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La vraie histoire de la IPA
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D'ou vient la India Pale Ale, aujourd'hui l'une des bières les plus populaires au monde? Si la bière est le produit incontournable de la microbrasserie en

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Ma quête ''Pilsner''
Ma quête ''Pilsner''

Dans cet article :

Une quête de la Pilsner

Un trip en République tchèque

Les Bo-Bo

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Dans cet article :

Une quête de la Pilsner

Un trip en République tchèque

Les Bo-Bo des Plzeň 

 

 

 

 

Ma quête de la Pilsner

Depuis environ deux ans, chaque fois que j'entre dans une microbrasserie et que je repère un robinet à la tchèque (qu'on appelle ici le Lukr, le nom du fabricant), je commande sans hésitation et sans me soucier de ce qui en sort, une chope. J'ai la chance d'avoir deux brasseries locales près de chez moi, Ayawan à Val-Morin et Herman à Prévost, qui proposent régulièrement des Pilsners sous différentes versions. J'ai dégusté de nombreuses de ces bières, faciles à boire et désaltérantes. Comme j'aime combiner mes deux passions, la bière et les voyages, je me suis dit qu'il fallait que je parte goûter à la Pilsner originale en République tchèque.

Alors, me sentant tel l'ours Paddington avec sa valise, je suis parti avec mon comparse français, compagnon de beertrip, à la conquête des Pils. Comme nous partions de France, notre trajet nous a obligés à faire un arrêt à l'Oktoberfest de Munich en Allemagne, où nous avons été contraints de boire des lagers en format d'un litre pendant toute une journée. Tel un défi des Travaux d'Astérix, nous avons réussi et avons pu passer à la prochaine étape, la République tchèque, mais pas avant de faire un arrêt à Bamberg pour déguster des bières fumées, mais ça c’est une autre histoire et n'est pas le sujet de cet article. Désolé pour les amateurs de bacon...

Chapitre 2 :  Nous y sommes!

Arrivés en Tchéquie ou en République tchèque (je ne suis pas sûr du terme à utiliser), nous avons débarqué tard dans un bar de Karlovy Vary qui servait la bière tant convoitée. Même si c'était une bière nationale connue sous le nom du patron de la bière, le service était impeccable et la bière délicieuse. C'était ma première Pilsner tchèque en Tchéquie depuis plus de 25 ans. J'avais visité Prague et Plzeň en tant que jeune autostoppeur en vadrouille en 1997, mais je n'avais pas vraiment exploré la culture de la bière locale, à part le fait de savoir qu'une pinte ne coûtait que 75 cents. Les temps ont bien changé. Aujourd'hui, en tant que néo-quinquagénaire, j'étais déterminé à mieux comprendre, voire à saisir l'engouement renouvelé pour ces bières blondes. Je voulais connaître l'origine de la Pils, la vraie, pas la Labatt Bleue.

Chapitre 3 :Grâce aux premiers "Bo-Bo"...

Connaissez-vous l'expression "être un bo-bo", diminutif pour bourgeois-bohème ? Eh bien, en 1838, certains bourgeois de la ville de Plzeň, qui était alors en Bohême, avaient le droit de brasser de la bière. Ces Bo-Bo, ou appelons-les les BBB (brasseurs bourgeois bohémiens), auraient décidé de faire un gros "drain-pour" et ont versé l'équivalent de 36 barils de bière dans les égouts. Pourquoi ? Parce que la bière était infecte. Malgré une tradition brassicole locale depuis le 11e siècle, il y avait toujours des lots qui s'infectaient (je suppose qu'ils n'avaient pas de RACJ pour garantir la salubrité), et les BBB ont dû organiser une réunion d'urgence pour trouver une solution efficace afin d'éviter de gaspiller trop de bière.

C'est ainsi qu'a été planifié le projet de construction d'une brasserie municipale avec les meilleures technologies de l'époque pour garantir une meilleure qualité de bière. En 1840, un groupe de BBB est parti en Bavière à la recherche de levure de fermentation basse, la lager, qui avait le potentiel de produire des bières plus propres et plus claires. Ils en ont également profité pour recruter un jeune brasseur prometteur de Bavière, Joseph Groll. Apparemment, Jo était très enthousiaste à l'idée du défi qui lui était proposé, car l'eau du puits de la ville était très douce, le houblon de la ville de Zatec (Saaz en allemand) un peu plus au nord avait d'excellentes qualités aromatiques, et les nouvelles techniques de maltage permettaient d'obtenir un malt plus blond. Jo avait carte blanche pour créer sa bière blonde. Pilzn

Le résultat ? Les premières brassées d'une bière d'un doré éclatant, aux arômes frais provenant du Saaz, avec une pintabilité sans précédent. La bière a immédiatement conquis les palais des consommateurs locaux et s'est rapidement fait un nom dans le monde de la brasserie. La bière du peuple de Plzeň (Měšťanský pivovar Plzeň), aujourd'hui connue sous le nom de Pilsner tchèque ou de Pilsner bohémienne, était née. (Applaudissements enthousiastes)

Chapitre 4: Et si ce n'était qu'une légende...?

L'histoire que je viens de raconter est celle que la brasserie a partagée avec nous et qui a été reprise dans de nombreux livres, articles de journaux et publications spécialisées sur la bière. Mais est-ce vraiment arrivé ? Tout comme l'histoire de la IPA, j'ai pensé qu'un peu de storytelling pouvait contribuer à la mémoire populaire et à la mythification du passé (Bonjour Père Noël Coca Cola). En tout cas, j'avais des doutes, alors j'ai fait des recherches.

Je suis tombé sur un article de Max Bahnson, qui se décrit comme un philosophe de la bière (on peut se définir comme on veut de nos jours). Max est un Argentin installé à Prague, et selon lui, l'histoire racontée par la brasserie est totalement fausse. Pourquoi ? Aucune date précise de l'événement de 1838 n'est mentionnée dans les livres d'histoire de la Bohême (nous connaissons toutefois la date précise du premier brassin réalisé le 5 octobre 1842). De plus, selon ses recherches, ce n'est pas la Pilsner brassée à Plzeň qui a été la première bière de fermentation basse en Bohême, mais plutôt une petite brasserie qui brassait des bières blondes à U Primasů, sur la place Venceslas, en 1840, soit deux ans avant que la première pinte de Pilsner ne soit versée. De plus, seulement un an plus tard, déjà 10 % de toutes les brasseries du royaume étaient passées à la fermentation basse, et leur nombre continuait d'augmenter. Il semblerait donc que nos BBB de Plzeň aient simplement suivi les tendances de l'époque, qui étaient les suivantes :

- La fermentation basse : Une tendance émergente de l'époque pour obtenir des bières plus stables et plus limpides.

- La bière blonde, grâce aux nouveaux procédés de maltage : Les techniques de maltage du grain à Pilzn étaient inspirées des techniques anglaises de Burton. Dès le début des opérations, on utilisait un four à charbon (à chauffe indirecte) importé d'Angleterre à l'usine de maltage de Pilzn. De plus, il existe des références historiques à des bières blondes en fermentation haute en Bohême depuis 1830.

- Le commerce à plus grande échelle de la bière : Il n’y avait pas encore de grande brasseries en Bohème comme cela se faisait en Bavière, en Saxe, en Autriche, aux Pays-Bas, en Belgique et en France. Il fallait répondre à l'introduction des bières saxonnes sur le territoire de la Bohême.

Et comme le développement des styles de bière est souvent le résultat de l'émulation, Max avance également dans sa théorie que la Pilsner bohémienne serait une version de fermentation basse de la Pale Ale anglaise. Contrairement à la plupart des autres styles de bière blonde de l'époque, la Pilsner était beaucoup plus houblonnée, tout comme les Pale Ales. Est-ce une coïncidence ? Joseph Groll aurait-il fait ce que de nombreuses brasseries font aujourd'hui, c'est-à-dire s'inspirer des styles tendance et brasser quelque chose d'actuel pour son époque en jouant sur les variables, ou était-il vraiment le créateur original ? Un visionnaire pour son temps ?

OJAYMARCJe ne suis pas historien, mais je trouve ce débat intéressant. Alors, quoi de mieux que de demander à des gens du coin ce qu'ils en pensent ? J'en ai parlé à Ojay, le propriétaire de Beer&Laska, un dépôt de bière dans la ville. Il m'a assuré que le Pilsner Beer Dump était bel et bien réel, qu'il n'y avait aucun doute à ce sujet. J'ai également interrogé Petr, qui tient un bar sous licence de Pilsner Urquell et qui est un Tapster primé. Lui aussi était convaincu de la véracité de l'histoire. J'ai demandé s'ils avaient des preuves ou des archives pour étayer l'événement, mais ils m'ont renvoyé à l'histoire publiée par Pilsner Urquell. Décidément, il semble impossible de remettre en question ce mythe auprès des habitants. Je me sens un peu mal d'avoir confronté leurs croyances, un peu comme lorsqu'on dit à un enfant que le Père Noël n'existe peut-être pas...

Alors, j'en appelle à mes amis et collègues historiens de la bière. Si vous avez une version différente ou des éléments à ajouter à cette légende (ou à ce fait), je serais ravi de vous lire ! En attendant, je vais prendre une autre Pilsner bohémienne et réfléchir à tout cela.

Nazdraví,

Marc Brunelle